dimanche 27 décembre 2020

Convenances sociales

Bon, je ne peux plus intituler mes articles "confinement J X: titre" car le confinement, c'est terminé! Ouais cris de joie... Enfin refreinons-nous dans nos élans, maintenant c'est "le couvre-feu", et une partie de nos libertés d'agir sont encore malheureusement toujours manquantes (RIP jour de l'an).
Néanmoins, l'heure d'un nouvel article a sonné (en vrai ça fait plus d'une semaine que j'essaye de le terminer, mais mes enfants m'éloignent sans cesse de mon objectif). 
Voilà le sujet qui me préoccupe depuis quelques temps, notre condition actuelle d'être sociale et notre devenir. Non, non cher lecteur, je t'assure que cela ne va pas être chiant à lire (des promesses, des promesses, toujours des promesses!), reste avec moi (Jack).

Alors voilà, en ce moment, j'ai l'impression d'être perdue en société. En effet, les moments sociaux se rarifient dans mon quotidien. Deux facteurs à cela, tout d'abord ce satané Covid qui a bouleversé notre vie sociale telle qu'on la connait (apéro, dîner entre amis, bars, expos .. et même bise), puis mon isolement de mère de deux enfants de moins de 3 ans en congé maternité, statut qui réduit encore davantage mes interactions sociales avec des adultes. Ma vie extérieure à mon lieu de vie se résume donc au supermarché en bas de chez moi (je salue toute l'équipe du casino et spécialement le monsieur des caisses automatiques qui me regarde toujours avec compassion lors de mes visites quasi-quotidiennes), mes rendez-vous chez le kiné et la sage femme (big up à mon périnée qui me permet de sortir de chez moi et de parler à des adultes autre que mon compagnon), et à des visites chez mes parents... Bordel, j'ai la même vie sociale qu'en primaire (sauf pour le périnée)... Heureusement qu'on a des potes qui habitent à deux pas et qu'on voit illégalement lors de promenades au parc. Malheureusement ces visites sont ponctuées par des "Non, reviens ici!", "ne touche pas les crottes de chien", "laisse les canards tranquilles!" et "Oui c'est un chien, et non il n'est pas bleu marine (WTF)!". Ce qui ne rend pas le flot des propos échangés limpide. Donc mes rares conversations se perdent dans les limbes des obligations parentales, et mon taux d'alcoolémie à zéro ne m'aide pas non plus à garder le cap de ma vie sociale.

Alors, peut-on désapprendre à converser lorsqu'on ne pratique pas, un peu comme quand on ne pratique pas une langue étrangère? Faut-il un entrainement à la vie sociale pour continuer à savoir agir en groupe? Cela pourrait alors expliquer le manque d'éducation et la croissance de l'égoïsme que semblent connaitre bon nombre d'habitants de mon quartier, de ma ville et même du monde! L'isolement provoque-t-il une amnésie de la bienséance inculquée depuis notre plus jeune âge? Le "j'en ai plus rien à foutre de rien, on va tous crever" a-t-il pris le pas sur nos réflexes sociaux au profit de la bête impolie qui sommeille en nous?

L'autre jour, j'ai été sur mon lieu de travail avant ma reprise, histoire de faire un tour, et là, alors que je conversais avec des collègues, je me suis sentie empotée, coincée dans un corps trop grand pour moi. J'étais là, debout en train de discuter, munie de ma sur-peau de travail que j'enfile depuis le début de ma carrière par réflexe, et dont je n'arrive plus à sortir. En temps normal je supporte ce costume qui change mes intonations et une partie de mes attitudes (en fait, je suis un peu coincée au travail, ce qui n'a rien à voir avec ma vraie nature). D'habitude, je m'en accommode, certainement comme tout le monde, car il y a l'en dehors, la vie, la vraie, avec les copains, la famille, cette vie qui en ce moment, n'existe plus. Et le problème est bien là. Il n'y a plus de sas de décompression. Pour ma part il y a la solitude des journées en tête à tête avec bébé, les rondes à Casino et les traversée du parc pour aller à la crèche. Certes les têtes à têtes avec bébé ont un certain charme gazouillant mais qui manque toutefois d'échanges constructifs et de blagues pleines d'esprit. Alors, quel espace avons-nous pour être nous-même aujourd'hui en dehors du quotidien du foyer avec ce satané COVID?

Je discutais avec une amie l'autre jour, entre deux "Non, je ne te lâche pas la main, il y a trop de monde!", et des "aïe ouilles" murmurés entre deux griffures de petit pouce boudiné au creux de ma paume. Et pendant que nous faisions la queue pour boire du vin chaud, elle me fit une remarque très intéressante. A force de ne plus faire la bise, de ne plus embrasser ou enlacer nos proches, de ne plus partager de moments de convivialité au travail ou avec nos amis, ne perdons-nous pas notre essence d'être humain, des êtres sociaux habitués au groupe? Ma théorie se confirmait alors, en modifiant nos attitudes, notre rapport au corps et au corps de l'autre dans nos déplacements spatiaux et dans nos gestes d'affection, nous perdons petit à petit notre statut d'être social pour nous renfermer sur nous-même. Je ne comprenais pas jusqu'à maintenant à quel point la solitude temporaire (qui commence à s'éterniser) pouvait autant fragiliser certaines personnes mais je perçois aujourd'hui les enjeux d'un tel dérèglement. Nous ne savons plus agir avec les autres, privés de nos repaires. Voilà pourquoi Micheline ne dit plus merci quand on la laisse sortir d'un magasin, pourquoi Victor se colle à vous à la caisse semblant vivre dans une grotte et ignorer la distanciation sociale, pourquoi Amélie pose ses courses sur les vôtres ou Michaela toucher votre poussette... "Tous ces cris ces SOS!"

La distanciation sociale et les gestes barrières ne seraient alors plus uniquement des limites physiques mais aussi une modification profonde de nos rapports comportementaux aux autres. Pourtant, nous devons les respecter ces gestes, sans avoir de dates de fin, ce qui est une terrible difficulté. Essayons alors de garder en mémoire notre insouciance de la proximité dans la fosse d'un concert, sur la plage, dans la queue pour aller au cinéma, ou sur un marché de Noël. Pensons fort à tous ceux qui méritent que nous soyons sérieux avec tout cela afin qu'ils puissent sortir au plus vite de leur enfermement. Et tentons de ne pas oublier l'absolue nécessité de nous comporter poliment, gentiment et avec responsabilité en ces temps inédits (n'est-ce pas ô toi joggeur-postillonneur dépourvu de masque!) afin de ne pas perdre le cap de la notion de société. Voyons le verre à moitié plein et réjouissons-nous d'avoir passé un petit noël sans Jackie le tonton raciste ou Gwenaelle la cousine qui aime faire circuler les énérgies. Tentez de trouver un plan sympa pour le jour de l'an (l'histoire se complique lorsqu'on a des enfants en bas âge), mais restez prudents!

Bisous cher lecteur, et bon bout d'an à toi!

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