samedi 23 avril 2016

Face au vent...

Il y a ces périodes où on se partage entre la boulimie de vivre et des angoisses existentielles qui nous plongent dans de drôles de phases tristes. Ce sont ces périodes où on passe en un instant des larmes aux rires. Ces moments d'absence alors que l'on est entouré des siens. Ces colères au fond de nous. Ce viscéral sentiment d'injustice, d'énervement ou de haine qui nous habite malgré nous, et qui rencontre nos euphories passagères.

Et puis, comme une bénédiction, il y a ces petits moments qu'on n'a pas vu venir et qui n'ont l'air de rien. Pourtant, ils vous font autant vous sentir vivant qu'ils vous guérissent, pour de vrai.


Un soir, comme ça, où vous craignez l'ennui, vous êtes à la terrasse d'un bar avec vos amis, en priant presque pour que la soirée ne soit pas encore la même, que la folie s'empare de votre joyeuse bande, que la surprise vous attende au détour d'une route, que l'ivresse vous mène jusqu'à l'incroyable. Vous avez envie de sortir de vous, de vous catapulter dans une aventure aventureuse et pleine de péripéties. Votre angoisse de l'ennui vous paralyse presque, vous devenez pressant, votre verre de rosé à la main. "Alors, on fait quoi ce soir?"

En face de vous, ça traine les pieds, ça ne sait pas, et ça s'en fout. "On verra bien."

On verra bien... l'idée est si séduisante. On verra bien... vous aimez ça. L'imprévu semble s'inviter à votre table. Alors on boit un autre verre pour célébrer ça, puis deux, puis quatre, puis... "Allez, on bouge?" "Allez, on bouge!"

On monte dans un énorme pickup, on met la musique à fond et pour peu que ce soit du rap, on a l'impression d'être 50 cent. On danse dans la voiture, assis, juste avec les bras, on chante, on rit, on se chamaille pour le choix de la musique, on rit encore. Ce moment en voiture est délicieux. On retrouve des vieux réflexes. On se traite de con pour rigoler, on se vanne, mais on sait bien que derrière chaque réplique, c'est autant d'amour que l'on s'envoie, comme une fratrie soudée. On se connait depuis tellement longtemps déjà. On a grandi ensemble, et ça, rien ni personne ne pourra le changer.

On arrive au resto, la voiture rentre un peu fort dans le parking, on manque de percuter une voiture garée. Un chat nous regarde d'un air mi-perplexe mi-effrayé. On lutte un peu pour descendre de la voiture, parce qu'elle est haute, et parce qu'on est saoul. Cette douce ivresse désinhibe nos sentiments, nous fait nous sentir complice, encore plus que d'habitude, et nous met en joie. Je suis comme dans une bulle avec vous. Lorsqu'on pousse la porte du resto, tous les regards sont sur nous. Notre entrée fracassante à toute vitesse sur le parking n'est pas passée inaperçue...mais on s'en fout. On s'arrête au niveau du bar, nos pas vacillants. "On reprend un verre?" "Et ma foi, quelle question, on reprend un verre!"

On fume des clopes, on boit des bières, encore et encore, on parle de tout et de rien, on s'envoie des pics, on rit, on débat sur le menu, on mange, on se vole des frites dans nos assiettes, on se dit "comment tu m'as volé une frite?", il y a ceux qui finissent, et ceux qui donnent leur assiettes aux autres, on plaisante avec la serveuse...on est bien! On boit un dernier verre au comptoir, on n'a pas envie de rentrer. On a des idées de génie comme un concours de mangeurs de saucisses prévu pour cet été. "On fait quoi?"

Et là, un de vos amis vous fait un cadeau formidable. Il vous emmène dans son coin, celui qu'on a tous. Cet endroit où on va quand on a un truc a fêter, ou qu'on veut méditer sur la vie, ou qu'on a un coup de mou et qu'on a besoin de reprendre un peu d'énergie.


La route est sinueuse, la voiture semble connaitre le chemin, on boit nos bières, on chante, on remue, on lève les bras, on se sent vivant. Et puis là, tout à coup, la vue est à couper le souffle. Les lumières des villages se déploient à nos pieds, comme un tapis parsemé de tous petits points brillants. Il fait écho au ciel étoilé qui scintille, il n'y a pas de nuages. Le panorama s'étend sur toute la vallée. Le moment est incroyable. On descend de voiture, la musique du poste résonne. Comme on est saoul, on prend garde de ne pas tomber dans le vide. On est presque solennel face à tout ça, face à ce "tout ça" qui nous submerge. Il y a du vent, il fait froid mais on s'en moque. C'est si bon d’être ensemble. Entre nous c'est pour toujours, dans les joies comme dans les peines, on est là, on est là ensemble. Alors, on crie face au vent chacun notre tour, on crie tout ce qu'on a sur le cœur. On crie notre colère, notre tristesse, on se décharge d'un fardeau pour ne garder que l'effervescence de cette soirée. Le vent semble emporter aux loin nos mauvais sentiments qu'il fait disparaitre dans l'immensité du ciel étoilé. On ne garde que les rires et la sensation qu'on peut tout se dire. Même si parfois on n'est pas tendre entre nous, au fond on s'aime, et ça pour toujours! D'ailleurs, je n'aurais pas pu crier face au vent avec d'autres que vous, hurler si fort avec tant d'émotion et de vérité sans avoir peur d'être jugée. On s'écoute crier, on se rassure, on se dit qu'on dit n'importe quoi et que c'est sûr, tout va bien aller. Chacun y va de son exemple, de son expérience, de sa théorie, ou de sa pensée philosophique teintée d'alcool. Évidemment, il y en a toujours un qui a froid et qui semble faire un peu la tête, mais c'est ça aussi d'être avec vous, c'est imparfait mais vrai. Chacun fait ce qu'il veut, même la tronche.

On remonte en voiture, on philosophe encore un peu. La bière a alourdi nos corps et nos esprit. Est-ce d'avoir tant crier que nous sommes épuisés. Ou est-ce l'alcool qui nous enivre presque jusqu'au sommeil? Dans tous les cas, je me sens bien, le cuir de la banquette arrière est moelleux. La voiture démarre, elle ronronne pour moi. La musique a changé, elle est douce. On ne parle plus, on a trop parlé peut-être, trop dit. Je me sens bien et je m'endors sur le trajet du retour. Je suis en sécurité avec vous.




Depuis, tout va tellement mieux. Criez face au vent avec vos amis, ça vous guérit.






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