mardi 17 novembre 2020

Confinement acte II, jour 19: le désir de s'évader.

Il y a des moments où rester cantonné dans son quartier, lorsque l'on respecte à la lettre le confinement, peut donner l'impression d'être contraint physiquement à un espace restreint que l'on commence à connaître par cœur, et dont on voudrait, bien volontiers, pousser les limites. Evidemment, je ne voudrais pas passer pour une enfant gâtée privée de mobilité en ces temps inédits, car je ne fais pas parti des plus à plaindre, et je revendique la nécessité de respecter les règles qui nous sont imposées pour le moment. Néanmoins, je dois dire qu'aujourd'hui, comme certainement bon nombre d'entre nous, j'ai envie de respirer à plein poumon, loin de mon masque et de mon périmètre imposé.

Alors comment s'évader lorsque l'on est immobile, comment atteindre un ailleurs que physiquement on ne peut que désirer, mais que l'on ne peut toucher? 

Il y a quelques années lors d'un projet de recherche mené à l'université, je m'étais posé la question du paysage, de sa construction, de sa constitution et du rapport étroit qu'il entretient avec le voyage. J'avais pour théorie que le paysage, comme le voyage, ne prenaient en fait jamais fin. En effet, gravés en nous, dans notre mémoire et même dans notre chair, grâce à l'expérience sensoriel dont ils sont le produit, nous gardons le paysage, le voyage et le paysage du voyage en nous, et pour toujours. Il suffirait alors de convoqué nos souvenirs pour voyager à nouveau. Mais parfois, dans le stress, l'inquiétude, l'agacement ou l'ennui, il est difficile de se souvenir, notre esprit parasité par le quotidien. Comment revenir alors vers cet extraquotidien qui nous a fait vibrer le temps d'une ballade, d'une escapade, d'un long périple, d'un court weekend ou sur le trajet pour aller au travail. Comment remobiliser des détails qui ont eu écho en nous, nous ont ému, touché, transporté? Une lumière particulière un jour de nuages noirs, une brise vivifiante en bord de mer, le goût du sel et les cheveux en bataille après une baignade en eau turquoise, le son du chant litanique de moines bouddhistes, la moiteur de l'air, la fraicheur d'une église et l'intensité du son de l'orgue, l'odeur des fleurs ou de mets exotiques, la douceur du soleil sur la peau, la magnifique lueur du crépuscule sur des vignes qui s'étendent à perte de vue, ou la chaleur écrasante des rues de Bangkok (et il y en a tant d'autres...). 

Afin de convoquer en moi tous ces souvenirs, je m'installe dans un endroit confortable, sur mon lit les yeux rivés au plafond, sur mon canapé le regard qui ne fixe rien par la fenêtre, assise à la table de la cuisine un thé fumant dans les mains, devant un carnet ou mon ordinateur laissant mes doigts écrire et se rappeler pour moi. J'inspire et j'expire doucement, je prends le temps de laisser voguer mon esprit car un souvenir en appel un autre et la promenade intérieur peut alors commencer. Je finis par fermer les yeux et dans une douce transe, un léger état second, la valse de mes souvenirs peut alors commencer. Mon esprit fait des sauts de puce d'un paysage à un autre, d'un sens à un autre, d'une étendue à une autre et me voilà partie pour la grande évasion. Je me laisse aller à des divagations voyageuses. Je mobilise en moi mes souvenirs. Je pense à la lumière, je pense à la température, je pense à la topographie des lieux, je pense à des sons, à des saveurs et plus que tout, plus qu'à n'importe quel moment, ces souvenirs qui sont en moi, ce vécu qui a eu lieu, ces expériences que j'ai faites, me semblent les choses les plus précieuses que je possède.

Et c'est en ces temps que l'on ne pouvait prévoir que le voyage prend tout son sens. C'est en ces temps immobiles que l'on peut prendre la mesure de la mobilité et de la richesse de l'ailleurs. En puisant dans notre mémoire, nous pouvons alors revivre le voyage et se consoler de notre état statique forcé. Il faut convoquer tous nos sens pour parcourir le monde tout en restant chez nous.

Et puis, si l'on n'a pas la chance d'avoir de tels souvenirs, ou si l'on souhaite voyager autrement, il y a la possibilité du voyage dans le temps de notre vie, le boulevard de la nostalgie. Regarder un film ou une série qui a marqué une période de notre vie comme l'adolescence, écouter une musique que l'on associe à un été formidable ou à un chagrin d'amour, lire un livre qui a fait exploser notre cerveau et fait grandir notre réflexion, revoir un tableau, une œuvre d'art qui nous a rendu adulte ou fait retomber en enfance. Se saisir de tout ce qui a jalonné notre vie et qui nous à fait sortir de nous par l'émotion, la passion, la curiosité ou provoquer de véritables révolutions intérieures, c'est aussi un moyen de s'évader et de sortir de ce quotidien répétitif qui est le notre (avec ou sans confinement d'ailleurs!).

Ce confinement acte II peut être l'occasion de se laisser dériver vers d'inédites et rocambolesques introspections personnelles. La valorisation de certaines de nos péripéties passées, la capacité à avoir su dépasser des faiblesses, revivre l'incroyable sensation d'être un explorateur d'inconnu, ou la richesse et la douceur du souvenir de moments partagés avec les siens, le voyage est alors intérieur et l'évasion, sans limite.

Bien à vous chers voyageurs.


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